Bien observer une éclipse de Soleil
L'observation d'une éclipse
de Soleil présente des risques. En effet, le Soleil est une source
de rayonnements variés très intenses qui peuvent causer de
graves lésions à l'oeil.
Or c'est lui que l'on va regarder longuement et attentivement. Voici quelques
méthodes d'observations à utiliser et
d'autres à proscrire. Vous trouverez aussi
une information sur les risques encourus et leurs
causes.
Enfin, l'éclipse ayant lieu
en plein dans les heures chaudes, n'oubliez pas de vous protéger
des coups de soleil et des insolations. Utilisez les crèmes de plus
fort indice munissez-vous d'un chapeau et faite boire régulièrement
les plus jeunes et les plus âgés.
L'origine du danger
Le Soleil est une source de lumière
très puissante. La preuve en est qu'on peut s'en servir pour brûler
du papier très rapidement. En monochromatique,
elle n'est comparable qu'avec le laser. Mais même sans la puissance,
le Soleil nous envoie des rayonnements nocifs. Faisons connaissance avec
le rayonnement solaire.
La lumière que nous recevons
du Soleil est nommée lumière blanche. C'est en fait un mélange
de toutes les couleurs dans des proportions précises. Le Soleil
émet le plus dans le jaune. L'émission diminue peu à
peu vers le rouge d'une part et vers le violet d'autre part. L'ensemble
des couleurs du rouge au violet forme le spectre
visible car ce sont celles que peut voir l'oeil. Mais il existe des
couleurs que ne peut pas voir l'oeil.
Comment cela est-il possible ? On peut
comparer cela au sifflet à ultrasons. Lorsque l'on souffle dedans,
il ne sort aucun son audible. Pourtant votre chien va réagir. Lui
à une oreille capable d'entendre ce son inaudible pour la notre.
Cela prouve bien qu'il existe des choses qui ne sont parfois pas accessibles
à nos sens. Dans le cas de la lumière, on peut s'en rendre
compte à l'aide d'un corps fortement chauffé (métal,
charbon, résistance électrique). Celui-ci va avoir une teinte
rouge vif. Si vous le laissez refroidir un peu, il redevient rouge sombre
puis sombre. Mais si vous en approchez la main, vous sentez encore la chaleur
s'en dégager sans avoir besoin de le toucher.
Quelles sont donc ces couleurs invisibles
à l'oeil humain ? L'exemple ci-dessus nous montre qu'il en existe
une avant le rouge. On l'appelle infrarouge (IR). C'est le vecteur principal
de la chaleur par rayonnement.
Ensuite viennent toutes les couleurs
de l'arc-en-ciel jusqu'au violet. Après celui-ci, on trouve un rayonnement
fort dangereux pour les espèces vivantes : les ultraviolets (UV).
Il en existe encore d'autres qui ne nous intéressent pas ici.
Chaque couleur transporte une certaine
quantité d'énergie
d'autant plus importante qu'elle tend vers le bleu. Si le corps étudié
avait été chauffé plus fort sans fondre, il serait
devenu jaune, blanc puis bleu. Les UV sont les plus énergétiques
parmi les couleurs citées et sont pour cette raison dangereux. A
noter que la notion de couleur est entièrement subjective. Elle
fait appel à nos sens, et n'est plus valable dans le cas de la lumière
non détectable par l'oeil. Le vocable exact est longueur d'onde,
fréquence ou énergie. Par la suite, on préférera
énergie à couleur.
Les IR et les UV posent déjà
un problème. N'y étant pas sensibles, nous ne pouvons pas
nous rendre-compte s'il en rentre beaucoup dans notre oeil. Ils vont pouvoir
alors faire des dégâts en toute impunité. Avant de
voir les dégâts susceptibles d'être engendrés
par ces couleurs, il faut mieux faire connaissance avec notre détecteur
de lumière : l'oeil.
L'oeil
L'oeil est un formidable organe de
part sa complexité et par sa grande adaptation à la tâche
qui lui incombe : voir. On peut le comparer à une caméra
vidéo compacte. Il possède aussi un objectif, le cristallin,
un diaphragme, la pupille,
et un détecteur de lumière, la rétine.
Le cristallin permet de former une image nette sur la rétine et
la pupille règle le flux lumineux entrant. La rétine transmet
couleurs et intensités détectées au cerveau à
travers le nerf optique. L'oeil est formé d'autres constituants
dont la cornée et la conjonctive, soumises aux agressions extérieures.
La rétine a une constitution particulière.
Elle possède deux types de cellules photosensibles. Les premières,
les cônes, sont sensibles à la couleur sous
une forte luminosité et sont utilisées de jour. Les secondes,
les bâtonnets, sont sensibles aux faibles luminosités
et sont utilisées de nuit. Comme la nuit, tous les chats sont gris,
il vaut mieux collecter toute la lumière que chercher à la
collecter par couleur. Aussi les bâtonnets ne permettent pas de voir
les couleurs. De plus, ces cellules ne sont pas distribuées de n'importe
quelle sorte. On trouve les cônes dans l'axe de l'oeil, dans une
minuscule zone de l'oeil nommée macula
d'un millimètre de diamètre. C'est dans cette zone que l'on
teste l'acuité visuelle. A la périphérie se trouvent
les bâtonnets. Entre les deux, les cônes sont peu à
peu remplacés par les bâtonnets. C'est pour cette raison que
l'on voit les objets faiblement lumineux en ne les fixant pas. Malheureusement,
on voit alors peu de détails. Faites en l'expérience la nuit
avec les étoiles, ou encore mieux avec la galaxie d'Andromède
ou les Pléiades. Regardez l'objet sur le côté de la
rétine puis fixez le, il disparaît. Étonnant !
Pour protéger ce merveilleux
organe, la Nature l'a mis à l'abri derrière une paupière
et l'a doté de mécanismes contre les fortes luminosités.
Selon l'intensité lumineuse, la pupille va s'ouvrir pour laisser
entrer le maximum de lumière ou se fermer pour laisser passer juste
ce qui est nécessaire. Lorsque la lumière est encore plus
intense, se produit l'éblouissement. Il y a une sensation
de douleur qui s'accompagne des réflexes de fermeture de la paupière
et de détournement du regard. On se retrouve avec une image impressionnée
sur la rétine apparaissant dans la couleur complémentaire.
Cela est dû au fait que la rétine possède des cellules
pigmentaires jouant un rôle dans le mécanisme de transmission
du stimulus. Le flux important à libéré tout le pigment
et la transmission est coupée jusqu'à ce que la cellule ait
reconstituée son stock de pigments. Pendant ce temps, les vaisseaux
sanguins éliminent l'excès de chaleur apportée
par la lumière.
Malheureusement cette
protection n'est pas sans défauts. L'oeil
s'est adapté à la lumière solaire et l'éblouissement
ne concerne que la lumière visible. Cette protection ne fonctionne
pas avec les UV ou les IR. Or notre technologie moderne nous permet d'atténuer
fortement le spectre visible empêchant l'éblouissement d'avoir
lieu sans pour autant atténuer le spectre dangereux en deçà
du seuil de risque. Un flux trop important d'UV et d'IR peut alors atteindre
l'oeil et y causer des lésions irrémédiables.
C'est le cas des lunettes de soleil.
En effet, l'oeil présente de
gros défauts. La rétine est insensible à la
douleur et une atteinte passerait inaperçue. De plus, les cellules
de la rétine ne se régénèrent pas. Lorsqu'une
lésion est faite, elle ne peut pas être réparée
naturellement. On ne peut pas non plus compter sur la chirurgie puisque
les greffes de rétine demandent de faire un nombre gigantesque de
connections avec le nerf optique. Aujourd'hui cela reste encore du domaine
du rêve.
Les risques
Les UV et les IR sont donc nocifs
pour l'oeil, plus particulièrement pour la rétine et la cornée.
L'intensité du rayonnement solaire atteignant le sol est déjà
suffisamment grand pour être dangereux pour les êtres vivants
( cancers ), mais l'oeil possède en plus une lentille
qui ne va faire qu'amplifier cet aspect. Ces rayonnements nocifs vont être
concentrés sur une petite zone de la rétine. La concentration
d'énergie devient alors trop forte pour être évacuée
efficacement par les vaisseaux sanguins et les cellules touchées
sont brûlées comme le serait un papier derrière
une lentille. Pour un objet de la taille du Soleil, cette zone est réduite
et ne poserait par de problème outre mesure si justement notre centre
d'intérêt n'était pas le Soleil. Mais comme c'est lui
que nous voulons voir, nous allons le fixer droit dans les yeux et la zone
de la rétine touchée sera précisément la macula.
L'effet sera encore plus important chez les enfants dont l'oeil est plus
transparent que celui d'un adulte.
Pour être honnête, nous
ne deviendrions pas totalement aveugle, mais nous perdrions en grande partie
notre acuité et notre capacité à détecter les
couleurs. Le résultat sera considérablement handicapant
tout de même : cela revient à ne plus voir le nez au milieu
du visage. Pour vous en rendre-compte, essayez de lire ce texte en ne vous
aidant pas du centre de la macula. Vous pouvez le faire en fixant votre
pouce à bout de bras devant l'écran. Vous pouvez lire les
mots qui entourent immédiatement votre pouce mais c'est à
peine si vous distinguez les mots plus éloignés. Imaginez
maintenant toutes les tâches que vous effectuez tous les jours grâce
à la vision sans vous en apercevoir. Vous les effectuez si bien
par habitude mais aussi grâce au contrôle exercé par
l'oeil. Une brûlure à la macula signifie que du jour au lendemain
vous deviendrez maladroit et que vous serez plongé dans un monde
qui vous restera à jamais imprécis.
Les UV présentent d'autres risques
à long terme pour la cornée et le cristallin. Ils peuvent
être à l'origine d'une conjonctivite, inflammation
douloureuse qui fragilise la conjonctive et nécessite de masquer
l'oeil jusqu'à totale guérison. A noter que le temps de guérison
et la douleur augmentent d'une atteinte à l'autre. Quant au cristallin,
les UV accélèrent son vieillissement ce qui se traduit
par son opacification et la presbytie prématurées.
Pour résumer, observer le Soleil
sans être correctement protégé comporte des risques
au moins gênants. Mais cela devient très rapidement un traumatisme.
N'oubliez pas la règle des quatre
i : la brûlure est
indolore, immédiate,
irréversible et invisible. |
Les "bons" plans
On peut classer les méthodes
d'observations en deux catégories : les directes et les indirectes.
-
A l'oeil nu
Les moyens suivants ne doivent en
aucuns cas être utilisés pour l'observation avec un instrument
d'optique quelconque, même un appareil photo. Vous risquez de vous
retrouver avec un trou dans le filtre dans la seconde qui suit. Ce ne serait
pas grave si votre rétine n'était pas derrière, dans
ce cas elle aussi aura un trou.
-
Les lunettes de protection.
Il en existe de deux sortes avec des filtres métallisés ou
noirs. Elles se présentent sous la forme d'une large monture en
carton sur laquelle sont fixés les "verres" filtrants. Le prix peut
varier mais ne devrait pas dépasser quelques francs. Certains sites
les distribueront gratuitement. Elles doivent impérativement
porter la certification européenne CE. Elles sont disponibles
auprès des grandes associations d'astronomie. Attention,
ces lunettes sont fragiles. Il ne faut ni les plier, ni les rayer. Si les
filtres sont endommagés même légèrement, elles
ne sont plus valables bien que l'observation soit encore faisable. Il convient
de les changer. Les lunettes à filtre au polymère noir sont
plus solide et d'un meilleur confort d'utilisation.
-
Les verres de soudure à l'arc,
à la condition qu'il soit de grade supérieur à 12,
le mieux étant le grade 14, ce qui est en pratique introuvable dans
le commerce.
-
Tout filtre solaire astronomique
acheté chez un opticien qui saura vous indiquer lequel est adapté
à cet usage.
-
Avec un instrument d'optique
Il faut TOUJOURS mettre un filtre
DEVANT ces appareils mais celui-ci doit être adapté
à leur puissance. Il est hors de question de mettre les filtres
prévus pour l'observation à l'oeil nu devant un instrument
et qui plus est derrière ! Surveillez toujours vos instruments
que personnes ne les utilisent incorrectement en votre absence.
Allez vous renseigner cher un opticien avec votre instrument ou
sa documentation de façon à être sûr de sa puissance.
Même pour un appareil photo un filtre est nécessaire ne serait-ce
que pour éviter que votre pellicule et l'appareil ne fondent. N'oubliez
pas de protéger le viseur si la visée ne se fait pas
par l'objectif.
L'inconvénient de ce moyen est que le prix devient rapidement élevé
et les filtres sont toujours fragiles. Cela reste l'apanage de bons amateurs
ou de clubs.
Méfiez-vous
des filtres solaires vendus avec certains télescopes. Ils se trouvent
en sortie là où la lumière est la plus concentrée,
ce qui peut les détériorer très rapidement et les
rendre impropres à l'observation.
Au cas où vous n'auriez aucun moyen d'observation
correct, il ne reste qu'une solution, ABSTENEZ-VOUS ! Les phases
partielles ne sont pas ce qu'il y a de plus intéressant. Vous aurez
tout le loisir d'en voir des comptes-rendus plus tard. Et ce ne sont pas
les éclipses partielles qui manquent, nous en reverront encore dans
les années qui viennent.
-
Les moyens indirects
Il s'agit de
projeter l'image sur un écran.
Le plus simple est d'utiliser une boite à
chaussure. Percez un petit trou dans un des
petits côtés. Dirigez ce trou vers le Soleil. Il se projette
sur le côté opposé. Mais l'image est petite et floue.
On peut améliorer cela à l'aide d'un instrument d'optique.
Ne regardez jamais à travers ces instruments avant d'avoir vérifié
qu'il y a devant un filtre adapté à sa puissance.
Mettez un écran
derrière une paires de jumelles. En ajustant la mise au point et
la distance de l'écran, vous pourrez former une image nette et agrandie.
Vous pouvez
faire de même avec une lunette ou un télescope. Il existe
dans le commerce des écrans prévus à cet effet. On
peut très bien en fabriquer un soi-même. L'image obtenue atteint
la dizaine de centimètres et on y distingue très bien les
taches solaires.
Cependant, l'instrument
n'est pas protégé ce
qui pose problème dans le cas où vous êtes entouré
de personnes n'étant pas bien informées du risque encouru.
De plus, l'instrument va être soumis à une forte chaleur,
en particulier l'objectif. Il faut penser à masquer l'ouverture
de temps à autre pour lui permettre de se refroidir (toutes les
15 à 20 secondes).
Les "mauvais" plans
Ce sont tous
les autres moyens qui ne sont pas cités dans la listes ci-dessus,
remèdes de grand-mère et autres filtres bricolés.
Tous ont le même inconvénient : ils empêchent l'éblouissement,
réaction naturelle de protection, mais n'arrêtent pas les
rayons nocifs.
Ne pas être ébloui ne signifie pas être protégé.
Voici une liste non exhaustive de ce
qu'il ne faut pas utiliser.
-
verre noirci au noir de fumée
-
verre de bouteille foncé.
Le verre n'arrête pas les IR.
-
pellicule photo noircie ou amorce
de la pellicule
-
radiographie (contrairement
à certaines émissions télé). Celles que l'on
peut utiliser sont tellement particulières que vous n'êtes
pas en mesure de vous en procurer.
-
reflet dans l'eau. Une partie
importante de la lumière est toujours réfléchie quelle
que soit sa couleur. Si on s'y prend mal, toute la lumière peut
être réfléchie. Dans tous les cas, trop d'UV et d'IR
rentrerons dans votre oeil.
-
lunettes de soleil, même
en plusieurs couches, elles n'arrêtent pas assez d'UV.
-
disquette, CD
-
polariseurs
-
tout ce que votre fertile cervelle aurait pu inventer et
que je ne connais pas encore (n'hésitez pas à m'envoyer la
recette par courriel, je m'empresserai de la mettre en ligne).
-
couverture de survie. Celle-ci
ressemble aux filtres métallisés de certaines lunettes de
protection. Ressemblance ne veut pas dire identité.
-
papier aluminium.