Pour comprendre quand et où
une éclipse de Soleil peut avoir lieu, il faut faire connaissance
avec le mécanisme des éclipses. Celui-ci
dépend des mouvements principaux des trois corps impliqués
dans l'éclipse : le Soleil, la Terre et la Lune. Ceux qui nous intéressent
sont au nombre de trois. Les deux premiers concernent la Terre et le dernier
concerne la Lune. Ce sont, la rotation terrestre,
la révolution terrestre et les révolutions
lunaires. Alors on comprendra pourquoi une éclipse totale de
Soleil est si rare en un même lieu d'observation. Les raisons sont
d'ordre temporel et spatial.
Cette dernière remarque concernant
le rôle de la Lune permet de faire la réflexion suivante.
La Lune éclairée par le Soleil est elle aussi séparée
en une face sombre et une face éclairée.
La face dirigée vers le Soleil empêche la lumière solaire
de pénétrer l'espace situé derrière l'astre
y rendant le Soleil invisible. Cet espace constitue l'ombre que l'on trouve
derrière tout objet éclairé. La face sombre d'un
astre reste sombre car elle est dans sa propre ombre. La région
terrestre plongée dans l'ombre de la Lune ne voit plus la lumière
solaire.
La rotation terrestre intervient dans les éclipses uniquement pour savoir quelles régions de la Terre observerons l'éclipse prévue. Elle n'intervient évidemment pas dans la possibilité qu'une éclipse ait lieu. Ce sont les deux autres mouvements qui définissent le jour et l'heure où une éclipse peut avoir lieu. Ensuite l'heure permet de savoir quelle partie de la terre est tournée face au Soleil. Il faut bien comprendre que l'heure évoquée ci-dessus est la même pour toute la Terre. Ce n'est pas l'heure locale pour laquelle le Soleil est au plus haut au dessus de l'horizon à midi que donne le cadran solaire et qui diffère sur toute la Terre au même instant. On utilise un temps de référence qui est le temps local solaire sur le méridien de Greenwich : le temps universel TU ou G.M.T..
Au cours de sa révolution, la Lune vue de la Terre va se trouver parfois en direction du Soleil, parfois dans la direction opposée et le reste du temps entre ces deux positions extrêmes. Comme elle est à moitié éclairée, son aspect va changer au fil des jours. Derrière la Terre, on ne voit que la face éclairée, c'est la pleine Lune. Sur les côtés on voit à la fois les deux faces Lorsqu'elles sont égales, la Lune est en quartier. Près du Soleil la Lune prend l'aspect d'un croissant car on ne voit plus qu'une petite partie de la face éclairée. Enfin quand elle se trouve dans la direction du Soleil, la Lune nous présente sa face sombre, c'est la nouvelle Lune.
Cependant, le plan orbital de la
Lune n'est pas confondu avec l'écliptique, mais est incliné
de plus de 5° par rapport à lui.
En effet, il est plus probable que ce plan soit incliné par rapport
à l'écliptique que d'être confondu avec car il y a
plus de possibilités d'inclinaisons que d'identité. La ligne
commune à l'écliptique et à l'orbite lunaire est la
ligne des noeuds.
Les points de cette ligne appartenant à l'orbite lunaire sont les
noeuds. Celui qui permet à la Lune de passer du dessous au dessus
de l'écliptique est le noeud ascendant tandis que l'autre est le
noeud descendant. Si l'on ne tient pas compte de l'influence du Soleil,
le plan orbital de la Lune garde une orientation constante, l'axe de révolution
de la Lune étant toujours dirigé vers la même étoile.
En fait, la ligne des noeuds tourne lentement dans le sens rétrograde
entraînant avec elle le plan orbital de la Lune.
Mais, le plan orbital de la Lune étant incliné par rapport à l'écliptique, la plupart du temps la Lune se trouve en dehors de l'écliptique. De la Terre, la Lune passe au dessus ou au dessous du Soleil pendant la nouvelle Lune. La Lune est exactement dans la direction du Soleil si elle se trouve dans le voisinage de la ligne des noeuds. Alors seulement son ombre est au niveau de la Terre et peut lui cacher le Soleil. Le plan orbital de la Lune gardant une orientation constante au cours de la révolution terrestre, la ligne des noeuds va être dirigée vers le Soleil deux fois par an ne laissant que deux périodes à la Lune pour masquer le Soleil, une fois pour le noeud ascendant, l'autre fois pour le noeud descendant. En réalité, ces deux moments sont séparées d'un peu moins de six mois à cause de la rétrogradation de la ligne des noeuds. Comme cet intervalle n'est pas un multiple de la période de révolution synodique, il ne peut pas y avoir d'éclipse totale à chaque passage à un noeud. Vue de la Terre, la Lune ne passe pas toujours juste devant le Soleil et on n'assiste qu'à une éclipse partielle.
Enfin, comme la trajectoire de la Lune est une ellipse, il arrive qu'elle soit trop éloignée de la Terre pour recouvrir tout le disque solaire. En effet, le diamètre que semble avoir la Lune à l'oeil nu, son diamètre apparent, diminue lorsqu'elle s'éloigne. Inversement il augmente lorsqu'elle est plus proche ce qui lui permet d'avoir le même diamètre apparent que le Soleil alors qu'elle est environ 400 fois plus petite que ce dernier. On voit alors un disque noir entouré d'un anneau de Soleil, c'est une éclipse annulaire, presque une éclipse totale.
Toutes ces contraintes font que la fréquence des éclipses totales de Soleil dans le monde est inférieure à une par an. C'est pour cette raison que celle de cette année est la dernière éclipse du millénaire : il n'y en aura pas l'année prochaine de part le monde, la prochaine ayant lieu dans la première année du 21ème siècle. Mais cela reste élevé et n'explique pas pourquoi on peut à peine en observer une dans sa vie. Cela tient à notre position sur Terre comme on le verra dans le prochain paragraphe.
En attendant, ces contraintes sont
de nature périodique, aussi, on imagine facilement qu'au
bout d'un certain temps les mêmes conditions réapparaissent.
Les révolutions synodique, anomalistique ( du périgée
au périgée ) et draconique ( de noeud à noeud ) reviennent
à leur point de départ après 223, 239 et 242 révolutions
de 29,53j 27,55j et 27,21j. Cela représente selon que l'année
est bissextile ou non, 18 ans 10 ou 11 jours et quelques heures,
soit un saros
Comme la Lune est trois à quatre fois plus petite que la Terre, elle ne peut pas cacher le Soleil à toute la Terre même si elle était collée à sa surface. Sa petite taille fait que les rayons du Soleil rasant le bord de la Lune convergent rapidement derrière elle après avoir parcouru un quatre centième de la distance Soleil-Lune pour former un cône d'ombre très allongé. Il se trouve que la distance de la Lune à la Terre est de cet ordre. Il vient toucher la Terre presque à son extrémité ce qui fait que la zone de Terre touchée par l'éclipse totale est au moins dix fois plus petite que la Lune. Bien sûr, le déplacement de la Lune sur son orbite étend cette zone à une bande très longue, de l'ordre de 10 000 km, qui reste encore minuscule par rapport à la surface terrestre.
De même qu'il faut lancer un dé couvert de faces de nombreuses fois avant d'obtenir le même tirage, il faut attendre de nombreuses éclipses pour que les conditions soient à nouveau identiques et que l'ombre de la Lune balaye la même bande de terre. On peut alors observer une nouvelle éclipse totale au même point sur Terre. En moyenne, on peut en observer trois par millénaire. Si on élargit à un pays, l'attente est diminuée : la prochaine éclipse totale visible en France a lieu en 2081. D'ici là, on pourra assister à une autre en Espagne en 2026 et à une annulaire en France dans la première moitié du siècle.